vendredi 30 juillet 2010

On prévoit pour demain un vent de face

La mousson, c'est la saison des pluies en Inde: des semaines et des semaines de pluies ininterrompues. Il fallait donc une certaine audace —ou inconscience— pour donner le nom "mousson" aux orages qui éclatent en Arizona et au Nouveau-Mexique... où il peut ne tomber que quelque centimètres de pluie dans toute l'année!

La littérature est pourtant formelle: si une tempête de mousson approche, soyez très prudent. Mon contact au ministère des Transports de l'Arizona m'a aussi prévenu. Le ton suggérait vraiment que quand cette tempête arrive, le ciel nous tombe sur la tête. Aussi, lorsqu'à Phoenix le 30 juin, la météo a commencé à annoncer des risques d'orages de mousson pour la semaine à venir, je me suis mis en mode "oups".

Et lorsque, le surlendemain, j'ai vu ce nuage à l'horizon, derrière moi, j'ai vraiment commencé à m'inquiéter.

Là-bas, au milieu, est-ce juste de la pluie, ou un genre de tornade? Je me suis mis à accélérer, mais 20 km plus loin, il n'y avait plus rien. Soit j'avais distancé l'orage, soit il s'était dispersé.

J'allais voir son frère jumeau dans l'après-midi du 7 juillet, alors qu'il me restait 30 km à couvrir avant Santa Fe.

Là encore, accélération du tempo, tempérée par un soudain vent de face: et me revient en mémoire un autre truc lu sur Internet: un vent d'Est ou du Nord-Est (je roule alors vers le Nord-Est) est le signe d'un orage proche. La pluie commence à tomber quand j'arrive à Santa Fe et, ce qui n'a rien pour me rassurer, le tonnerre gronde tout près. J'arrive à l'auberge de jeunesse juste comme ça commence à tomber avec fureur... pendant 10 minutes.

"C'est tout?" que je ne peux m'empêcher de demander à la dame au comptoir. "Ici à Santa Fe, c'est beaucoup de pluie", qu'elle me répond.

Le lendemain alors que j'approche de Taos, même scénario: dans l'après-midi, vent de face, tonnerre, premières gouttes. Après mon arrivée à l'hôtel, une violente pluie pendant, cette fois, 30 minutes —les égouts ont du mal à soutenir. Et puis, soleil et arc-en-ciel.

Et encore le jour suivant, alors que j'approche de Raton. Cette fois, je n'évite pas la queue de l'orage, et je roule sous la pluie pendant 30 minutes. Mais pour un cycliste qui a roulé entre Montréal et New York pendant deux jours de pluie, y a rien là.

Et encore les jours suivants, avec des variantes: pas de pluie le jour, mais un violent vent de face qui se réveille dans l'après-midi. Or, si, à Santa Fe et Taos, mes journées finissaient à 15h, à Springfield (11 juillet) puis Lyons (14 juillet) puis Marion (15 juillet), elles finissent à 18h ou 19h, (les étapes sont plus longues). Je ne sais pas si vous savez, mais vent de face pendant 50 ou 100 km, c'est pire que des côtes.

La météo me confirme que je suis chanceux dans ma malchance: je suis dans une zone d'orages... sauf qu'ils restent autour. À un moment donné, c'est est presque drôle: la carte de CNN montre un long ruban de zones orageuses allant du Texas jusqu'au Québec, et un plus petit ruban un peu plus au nord. Entre les deux, un corridor... où je passe! J'échappe donc à la pluie, mais pas au vent de face.

Je n'y échapperai pas perpétuellement. Le 19 juillet, jour des collines du Missouri, je fonce en plein dedans. Regardez cette photo, prise au sommet d'une crête de collines, juste avant de commencer la descente.

Vous voyez une ligne noire à l'horizon? Ce n'est pas la vallée: c'est un orage.


Le matin, lorsqu'un premier avait commencé —un véritable orage cette fois, avec tonnerre et éclairs à la clef et rafales de vent— j'avais eu le réflexe de quitter la route pour aller m'abriter dans une grange. À 10 mètres d'une maison apparemment inoccupée ("anybody home?"). Trois chiens de la taille d'un beagle m'accueillent, dont un décidé à jouer le rôle de gardien. Je parle chien couramment: ils sont vite amadoués.

Le soir, je n'allais pas m'en sortir aussi facilement. Je roule aussi vite que possible vers Keokuk, où j'ai réservé une chambre. Je roule vite parce que l'obscurité tombe... mais surtout, parce que, sur ma gauche, un gros orage illumine le ciel. Pas juste le ciel: les éclairs suffisent à éclairer la route devant moi... et pourtant, pas une goutte ne me tombe dessus.

Jusqu'à ce que, à 10 km de Keokuk, je sois obligé de tourner à gauche, et de foncer en plein dedans. Là, des rafales de vent, et surtout une pluie si dense que je n'y vois plus rien et que je suis obligé de m'arrêter sous un porche. Puis dans le McDo, la seule chose encore ouverte à 22h.

L'actualité nous apprend que dans la nuit du 19 au 20 juillet, Okoboji, Iowa, a été frappée par des vents "de la force d'une tornade". C'était à 400 km au nord-est de l'endroit où je me trouvais. Je peux dire que j'en ai ressenti un petit bout.

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