vendredi 12 août 2011

Nouvelle-Orléans-Montréal: la version courte

Note: vous pouvez trouver sur ce site ma balade 2010, San Diego-Montréal, qui commence ici, et ma balade 2011, Nouvelle-Orléans-Montréal, qui commence ici (ou bien, dans la colonne de droite, cliquez sur 2011: juillet). Mais comme vous n'avez sûrement pas la patience de tout lire, voici la version courte du voyage 2011.

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Une excursion à travers plaines, cols et vallées, au milieu de forêts et au bord de champs, prés, rivières, ruisseaux et bayous. J’ai eu droit à des perspectives surprenantes sur d’autres crêtes et d’autres vallées, à des villages huppés ou délabrés, à des routes achalandées et d’autres où il ne passait ni chien ni chat, à des pistes cyclables des plus tranquilles quoique moins directes, à des journées ensoleillées quoique chaudes et humides... ce qui m’a permis de confirmer qu’il est plus facile de rouler dans un climat chaud et humide que dans un climat chaud et sec!

J’ai croisé des gens admiratifs de me voir là ou indifférents, mais jamais arrogants ou agressifs envers le cycliste. J’ai vu des banlieues laides et d’autres très riches, des traces de la pauvreté partout et de la richesse, un peu moins partout. J’ai rencontré la récession, et elle me dit que ce pays n’est pas sorti du bois, ce qui veut dire nous non plus.

J’ai expérimenté des routes où je n’étais jamais allé et où je ne retournerai peut-être jamais, mais j’ai découvert des régions où j’aurai désormais un prétexte pour retourner, explorer en tire-bouchon routes secondaires et comtés voisins. J’ai vu un alligator, une fusée lunaire et CNN, j’ai traversé des tunnels pour la première fois à vélo et j’ai pris des mokas glacés sur des terrasses sans âme qui m’ont enchanté.

Je lis ce qu’a écrit Foglia en juillet et me dis que ce qui m’a manqué dans ce voyage, ce sont des pâtisseries et des boulangeries. Je m’attend à ce que je vais lire de Josée Nadia en France et je me dis que ce qui m’a manqué, ce sont des églises vieilles d’un millier d’années et des aqueducs 60 fois plus vieux que le pont Champlain. Mais j’ai rencontré un garçon noir de trois ans et demi qui n’avait jamais vu un Blanc de près, des motocyclistes québécois extasiés sur la Blue Ridge Parkway, j’ai jasé avec un cycliste local qui venait lui aussi de grimper à 1600 mètres, j’ai croisé plus encore d’églises que je ne croyais possible d’en entasser dans un village. Et j’ai constaté que bien souvent dans un village, le plus beau bâtiment, après l’hôtel de ville, est... la banque.

mercredi 3 août 2011

En finale: New York-Montréal

Ceux qui me connaissent savent que j'ai déjà fait Montréal-New York. Refaire ce trajet dans l'autre sens n'avait rien d'une corvée, au contraire: à tous ceux qui se cherchent un voyage à vélo de plus d'une journée, je recommande fortement cet itinéraire. Il est beau, il n'est pas trop lourd en côtes (moins que Montréal-Boston). Et il y a le facteur psychologique: que vous partiez de Montréal ou de New York, ça vous donne, au bout de la route, un objectif puissant, le genre d'objectif de nature à donner de l'énergie pendant les moments difficiles...

Très important, le facteur psychologique: bien plus important que d'avoir des jambes d'athlète. Le vélo, ça se passe dans la tête bien plus que dans les jambes.

J'ajoute à cela que tout au long de l'État de New York, on suit un itinéraire balisé pour les cyclistes —itinéraire qui, au contraire de celui que propose souvent notre Route Verte, est la route la plus directe. Ca se traduit par des panneaux verts "Route 9", qui conduisent de Rouses Point, à la frontière québécoise, jusqu'au pont George-Washington, par lequel on entre sur l'île de Manhattan. Ou vice-versa.
C'est la route que Josée Nadia et moi avions suivi scrupuleusement en 2006, mais il y a aussi des alternatives possibles. Par exemple, cette fois, puisque j'arrivais par New York, j’ai décidé d’explorer un peu ce qu'il y avait au nord de cette ville, et les 80 premiers km ont ainsi été un mélange de pistes, d'avenues résidentielles et de banlieues dont je n’avais jamais entendu parler: Elmsford, Scarsdale, Yorktown Heights... Après quoi, un col à franchir, et retour sur la route no 9.
La dernière partie du voyage : du nord de Manhattan (A) jusqu’à Rhinebeck (B) via des banlieues du nord-est de New York (27 juillet) puis Albany, la capitale de l’État de New York et Glens Falls (C, le 28 juillet), puis un détour par Burlington, Vermont (D, 29 juillet) avant les 150 derniers km jusqu’à Montréal (31 juillet), avec le village de Rouses Point (E) à mi-chemin.
Sur la piste cyclable North County Trailway : le pont du parc Kitchawan, un peu avant Yorktown Heights (75 km au nord de Manhattan). Lisez bien l’avertissement sur le pont.
Charmant petit café communautaire en entrant à Yorktown Heights... avant de s'apercevoir que c'est un Starbucks!

Incidemment, saviez-vous que la fameuse avenue Broadway, qui parcourt l'île de Manhattan du sud au nord, c'est la route 9? Si jamais, le long de l'Hudson ou du lac Champlain, vous entrez dans un village dont la rue principale s'appelle Broadway... vous savez maintenant pourquoi!
Une fois de retour sur cette route 9, on longe de plus ou moins loin la rivière Hudson jusqu’à la capitale, Albany . Villages tranquilles, jolies perspectives sur les Catskills, de l’autre côté de la rivière : la branche locale des Appalaches qui n’auront décidément jamais été loin dans ce voyage. Et pendant une grosse centaine de kilomètres, le parcours est plat... pour un cycliste qui en a long dans le corps, ça ne se refuse pas!
Ci-bas: à Castledon-on-Hudson, village à 15 km au sud d’Albany.
Et c’est ainsi que, toujours en suivant ces panneaux « vélo », on traverse un pont à Rensselaer pour entrer à Albany. On est alors à environ 230 km de New York, à 450 km de Montréal.

Albany : un centre-ville animé (du moins, il l’était ce jeudi-là), des autobus avec supports à vélo bien sûr...
... euh... il y a des résidents moins pressés que d’autres!
Presque toutes les capitales des États américains ont cet édifice avec une coupole dorée sur le dessus. Ci-haut, la coupole dorée serait censée être sur la tour de gauche. Je ne savais pas que ce truc pouvait s’enlever!
Ce chien montait déjà la garde quand Josée Nadia et moi sommes passés en 2006...

Et ensuite? D’abord, la banlieue d’Albany se prolonge sur 25 km vers le nord, sur les deux rives de l’Hudson...
... et le parcours en terrain plat, lui, se poursuit bien plus longtemps. Une autre centaine de km après Albany, d’abord le long de la rivière puis le long du canal Champlain, creusé au 19e siècle pour relier le lac Champlain à l’Hudson (ci-bas, une écluse, à Waterford).
Résultat, pour les Québécois, voici une région injustement méconnue, entre Albany et le sud du lac Champlain : la grosse agglomération, Glens Falls / Hudson Falls, est à 350 km de Montréal, soit à peine plus que Montréal-Québec. Les amateurs de vélo ont de quoi y trouver leur compte, ceux de randonnées pédestres aussi —les montagnes, rappelez-vous, ne sont pas loin— et le lac George est juste à côté.
Et si c’est l’Histoire qui vous intéresse, il y a toujours Ticonderoga (ci-haut) : petite ville au bord du lac, mais surtout ancien fort français, à 250 km au sud de Montréal.

La rue principale s’appelle Montcalm. Ils n’ont pas encore appris la nouvelle, eux?

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Je connais mieux mon continent depuis que je le pédale
Je ne sais pas pourquoi les distances me fascinent autant. C’était pareil dans mes randonnées de quelques jours. Mais j’ai remarqué une chose qui se produisait en moi ces dernières années, à mesure que je m’éloignais de Montréal : voyager autant à vélo donne une nouvelle vision de la géographie. Celle d’une région ou d’un continent. Comme je l’ai écrit l’an dernier : « Je connais mieux mon continent depuis que je le pédale ».

L’idée n’est pas de convaincre les autres —vous, par exemple, qui lisez ceci— que « vous aussi, vous pourriez faire tout ça ». Je n’ai pas cette ambition. L’idée est plutôt « eh, si moi, j’ai fait ça à vélo, c’est que ça n’est pas aussi loin que je l’imaginais ».

Car il est indéniable que, dès qu’il s’agit des États-Unis, nous avons l’équivalent d’un écran devant les yeux, qui s’appelle la frontière : pour les Montréalais, 300 km vers le sud, jusqu’au bout du lac Champlain, nous semble beaucoup, beaucoup, beaucoup plus loin, que 300 km jusqu’à Québec. Ou même 600 km jusqu’à Toronto.
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J’aurais pu continuer ainsi à remonter fidèlement la route 9 jusqu’à la frontière. Comme je savais qu’un dernier col m’attendait au sud de Plattsburgh, j’ai décidé de prendre un traversier à Essex pour faire un détour par le Vermont et ainsi, finir la journée à Burlington.
Le soleil couchant sur le lac Champlain, à Burlington, 30 juillet 2011.
Je suis souvent allé à Burlington ces dernières années. C’est une ville étonnamment dynamique pour sa petite taille et, à mes yeux, beaucoup plus intéressante, plus intelligente, que Plattsburgh. Et puis, qui pourrait résister à Ben & Jerry?

Burlington est, elle aussi, injustement méconnue : elle n’est qu’à 150 km de Montréal... la distance de Trois-Rivières!

Et 150 km sur un terrain à peu près plat —les plus grosses côtes sont aux km 10-20 après Burlington— ça se fait en une journée... surtout quand on sent la ligne d’arrivée!
Un dernier café en sol américain à Rouses Point, à 1 km de la frontière —le meilleur moka glacé de la région, tous pays confondus!...
... un poste-frontière où j’ai eu le plaisir d’entendre le douanier me poser la question « où êtes-vous allé » pour avoir le plaisir de lui répondre « Nouvelle-Orléans, monsieur! »... Ce qui n’a guère semblé l’impressionner. Bon, c’est mon deuxième voyage « transcontinental » : les douaniers canadiens seraient déjà blasés?
... et les premiers tours de roue au Québec en 3200 km pour me redonner goût à l’asphalte québécoise, unique en Amérique du nord!
Mais je ne veux pas finir sur une note négative. La piste du canal Richelieu, c’est tout de même très beau aussi. Je me demande d’ailleurs si les habitants de Saint-Jean savent qu’ils habitent sur la route de la Nouvelle-Orléans? Ça leur ferait une belle publicité, non?

Bon, j’arrête là. 24 jours, 11 États américains, 3300 km. C’est un maudit bon vélo.

mardi 2 août 2011

Pistes cyclables: avec Google, c'est nul!

À l’aéroport international de Baltimore, pas d’inquiétude : si un avion rate la piste d’atterrissage, il peut choisir la piste cyclable. Cette photo a été prise depuis la piste cyclable.
Assez impressionnant. Les fans d’avions adoreraient Baltimore juste pour ça.

Plus sérieusement, la piste (la cyclable, pas l’autre), avait une deuxième qualité : après avoir contourné l’aéroport, 10 km plus loin, alors qu’il me restait une grosse trentaine de km jusqu’au centre-ville, j’ai cessé de suivre les indications de Google Maps (prendre telle rue pendant 8,3 km, tourner à gauche pendant 0,3 km, etc.) et je me suis plutôt fié aux panneaux indicateurs verts marqués d’un vélo, qui, tous les 10 ou 15 coins de rue, indiquaient « Baltimore ». Plutôt vague, direz-vous : Baltimore-centre, ou bien juste « l’entrée » à Baltimore, pour laquelle il y a autant de choix que l'entrée à Montréal par la Rive-Sud? J’ai fait le pari que c’était le centre-ville, et c’était le cas.

Le lendemain, sur les 30 derniers km jusqu’au centre de Philadelphie, le même scénario s’est répété, à travers des avenues et des boulevards impeccablement marqués d’un panneau jaune « Share the road ». 10 sur 10 pour les politiques cyclistes du Maryland et de la Pennsylvanie.

Mais attention : je parle ici de voies partagées. Pour les pistes cyclables séparées de la circulation, c’est une autre paire de manches : j’ai découvert, par essais et erreurs, qu’il ne faut pas se fier à Google Maps, sauf s’il y a abondance de panneaux indicateurs... et zéro embranchement!

Par exemple, cette piste Chief Ladiga en Alabama, dont j’ai parlé ici. Aucune erreur possible : si vous arrivez par l’ouest, Google vous indique qu’après avoir pris la route Alexandria-Jacksonville pendant 10,3 km, vous croiserez la piste, que vous n’aurez dès lors plus qu’à suivre pendant des dizaines de km, dépendamment de votre destination.

Mais avec la piste Delaware Canal, entre Philadelphie et Trenton (New Jersey), problème. Elle commence au milieu de nulle part, sans panneaux pour l’annoncer. Elle s’interrompt trois fois, dont une au milieu d’un champ de pierrailles. Et elle finit... au pied d’un escalier! Mon avis: Google ne fait pas encore la différence entre un vélo et un marcheur. Point positif : le décor est enchanteur.

Au nord de New York, c’est pire.
Sur la carte, ça semble pourtant clair : quitter l’avenue Putnam à droite par Putnam Trail (0,2 km), puis à droite la Old Putnam Trail (1,6 km), puis à gauche l'Old Putnam Trail (1,1 km) qui devient la South County Trailway... Or, sur place, non seulement aucun panneau n’indique-t-il si on est sur la Putnam ou la Old Putnam, mais les embranchements sont tels que rien que pour la première intersection, à 0,2 km, on a déjà deux choix. Trois kilomètres plus loin, j’avais fait une longue montée pour rien, puisque je me retrouvais au bord d'une autoroute.

Même scénario le lendemain où plutôt qu'une South County Trailway que je n'ai jamais retrouvée, j'ai pris une Bronxville Trailway, tout aussi jolie, mais menant légèrement plus à l’est.

Tous les cyclistes qui ont fait un long trajet (que ce soit une journée ou un mois) en s’efforçant de suivre un itinéraire ont déjà eu ce problème dans les rues d’une ville. À vélo, il est en effet normal de ne pas calculer scrupuleusement les dixièmes de kilomètres et de se demander tout à coup si c’est à cette intersection ou à la suivante qu’il faut tourner. Mais dans ces cas-là, en général, on a des panneaux indiquant le nom de la rue. Je crois que les génies de Google n’ont pas encore réalisé que les pistes, c’est pas pareil...

Et ça, c’est sans compter toutes les fois où, si vous demandez à Google de vous tracer un itinéraire « vélo » entre deux villes (l'option existe depuis l'an dernier), il va choisir de vous faire faire un détour de 50 km... s'il trouve une piste cyclable quelque part par là.

Bref, l’intention est bonne, mais prévoyez des heures supplémentaires, spécialement si votre parcours cyclable a plus d’un embranchement.

lundi 1 août 2011

Urbanités

La pauvreté est partout, mais en ville, elle est plus visible, pour peu qu'on passe aux bons endroits. C'est-à-dire là où les bureaux de tourisme préféreraient ne pas vous envoyer.
Dans cette avant-dernière partie du voyage, un itinéraire plus qu'à moitié urbain. Du centre de Washington (A) au centre de Baltimore (B): 70 km, le 23 juillet. Puis jusqu'à Philadelphie (C): 150 km le 24 juillet, les 30 premiers et les 50 derniers à travers des zones urbaines. Enfin, de Philadelphie à New York (130 km), en passant par Trenton (25 juillet... je confesse m'être arrêté à cause de la pluie!) puis Princeton, puis (26 juillet), étonnamment, la partie la plus rurale de ces quatre jours, jusqu'à un traversier menant à l'île de Manhattan (D et E).

Je n’ai pas beaucoup de photos. C’est gênant de passer à vélo, de toute évidence avec une enseigne au néon qui dit je suis en vacances, devant des gens qui n’ont peut-être même pas d’emploi, et de les prendre en photo. C’est également difficile de ne pas travestir la réalité : il y avait à la Nouvelle-Orléans, à deux coins de rue de l’auberge de jeunesse, une série de maisons délabrées, qui auraient pu être les signes évidents de pauvreté, mais qui étaient plutôt les traces de l’ouragan Katrina : comme personne n’est revenu habiter ce coin de rue depuis 2005, personne n’a retapé les maisons.

Et il faut aussi faire attention, avant de succomber aux clichés de la pauvreté-à-l’américaine. Inversez la lentille un instant. Pensez qu'un touriste qui traverse Montréal en voiture ne voit pas les pires secteurs du canal Lachine, de Pointe Saint-Charles ou de la rue Sainte-Catherine Est. Mais un cycliste qui arrive dans l’île de Montréal par l’ouest et en repart par l’est, voit tout ça. Et « ça » dure longtemps. Des kilomètres et des kilomètres.

Toutes les villes ont leurs poches de pauvreté, mais certaines villes en ont plus que d’autres. Les banlieues sud de Birmingham (Bessemer), et d’Atlanta, bien des quartiers centraux d’Atlanta, le sud-ouest de Baltimore et son nord-est. Puis une zone plus tranquille de quelques dizaines de kilomètres, après quoi commencent les boulevards commerciaux et industriels —et pour les amateurs de géographie, c'est là qu'on quitte le Maryland pour entrer au Delaware...
De là, après quelques autres boulevards commerciaux, on entre dans le large secteur industriel, en partie désaffecté, qui couvre la lointaine banlieue ouest de Philadelphie (et pour les amateurs de géographie, c’est là que finit le Delaware, le seul État américain que j’aie franchi d’Ouest en Est en 3 heures!)
La crise du logement —maisons après maisons, des quartiers entiers sont repris par les banques— accentue le problème. Cet article du CityPaper de Philadelphie parle d’une « ville pleine de trous ».

Deux choses sont sûres. Chaque fois, le quartier est pauvre sur des kilomètres. Et il est très majoritairement peuplé de Noirs.

Ca donne moins envie de s’arrêter à Baltimore, quand on est fatigué, qu’on sait avoir encore une vingtaine de kilomètres à faire avant le motel (que voulez-vous, j'ai tendance à les choisir moins onéreux, et ceux-là sont généralement à l'écart de la ville) et qu’on n’a aucun point de repère : ceci est-il le centre? Y a-t-il un centre? Par contre, le journaliste scientifique en moi y a croisé un nom qui revient souvent dans les nouvelles.

Philadelphie a-t-elle mieux réussi l’amalgame? Chose certaine, Broad Street, qui s’étend sur 4 bons kilomètres, ne donne pas l’impression d’avoir été retapée seulement quand on arrive à proximité du centre: sur la photo ci-bas, vous distinguerez au milieu, en agrandissant, le skyline, qui est encore à 3 ou 4 km droit devant.
Incidemment, ci-haut, les autos à gauche sont stationnées... au milieu de la rue!
Et bien sûr, il y a le cas de New York. Une catégorie à part. À en juger par les parcours que j'ai longuement testés sur Google Maps, je me suis probablement évité le pire du New Jersey urbain et industriel en trouvant un traversier qui, à Belford, conduit à la pointe sud de l’île de Manhattan. Ce faisant, je suis passé par Princeton, ville universitaire qui ne vit certainement pas de problèmes de pauvreté...
Puis par un décor étonnamment rural —c'est du blé d'Inde à droite. Étonnamment rural, si on considère que je n'étais plus, alors, qu'à 50 km au sud de Manhattan.


Le pont Verrazano, pour les intimes.
Une autre rencontre de deux géants: le TransAmerica Express et, à droite, une statue qui n'a pas pu être identifiée.
Je remarque qu’ils ont fait beaucoup de progrès, côtés pistes cyclables.
Encore qu’il reste du chemin à faire mais, bon, c'est New York...
Ici, la pauvreté côtoie la richesse plus qu’ailleurs, mais elle est bien dissimulée. Le nord de l’île, où j'ai terminé cette journée, les alentours de la rue Broadway passé la 200e rue (150 rues au nord de Times Square!), puis une banlieue appelée Yonkers, sont plus pauvres, ce qui n’empêche pas de trouver à quelques coins de rue des maisons outrageusement riches et des parcours où les cyclistes du dimanche s’entraînent.

Qui sait, peut-être, rendu là-bas, le vélo est-il le symbole de division des classes sociales : habillé en cycliste, il a les moyens de ne faire du vélo que pour le sport. Habillé en civil, il utilise son vélo pour travailler. À vérifier... :-)

samedi 30 juillet 2011

Sortir du sud

Après ces centaines de kilomètres de pure nature et de perspectives magnifiques, pédaler à travers Washington peut sembler banal. Esthétiquement, l'expérience ne se compare pas, en effet. Mais c'est cette chose indissociable d'un voyage qui donne à Washington ou au moindre hameau, une grande importance: la découverte d'une société qui n'est pas tout à fait la nôtre.

De Waynesboro, où prend fin la Blue Ridge Parkway, jusqu'à Washington, il y a 200 km —les 60 derniers, en banlieues. Entre les deux, les collines et le vert de Virginie. Et un petit avec sa mère, qui me surveille de sous les arbres.


Un train me dépasse sur la route 615, en Virginie. Désolé, je n'ai rien pu faire.
L'itinéraire décrit dans ce billet: de Waynesboro, Virginie (A) à Charlottesville puis Manassas (B) le 21 juillet, puis à Washington (C, 22 juillet). Ci-bas, Market Street, à Charlottesville.
La Virginie a beau être aussi proche de Washington, c'est encore le sud des États-Unis: elle faisait partie des États du sud, les États esclavagistes, pendant la guerre civile (1861-1865). J'ai souvent vu flotter, depuis le début de ce voyage, le drapeau de la Confédération des États du Sud. Malaise. Même malaise lorsque j'avais vu cette plaque, à la Nouvelle-Orléans, soulignant la résidence où était décédé le premier (et dernier) président de cette Confédération des États du Sud.
Mais peut-être que je confond une simple fierté nationale avec le peu que je connais de cette Confédération. Sa partie la plus laide. Qui sait?

Quoi qu'il en soit, je suis arrivé à Manassas, à 55 km du centre-ville de Washington, le 21 juillet, sans savoir que le lendemain, on y célébrait le 150e anniversaire de la bataille de Bull Run, qui ouvrit les hostilités en 1861. Difficile de ne pas rester dans la matinée pour profiter de la parade!



Les journaux locaux, les musées, ne semblent pas passer sous silence la tache honteuse de l'esclavage. Mais comment dansent-ils sur ce fil mince, je suis passé trop vite pour chercher à le comprendre.

D'autant plus que 10 km plus loin, sorti du quartier historique puis passé dans une autre banlieue puis une piste cyclable...
... tout cela semblait bien lointain. C'était le Washington moderne que les panneaux annonçaient. Et quelle joie, pour un cycliste —ajouté au fait qu'on vivait alors, dans la région, la journée la plus chaude de tous les États-Unis— que d'y arriver enfin: ce n'est pas le plus beau trottoir du monde, mais c'est un pont sur le Potomac, avec en arrière-plan l'obélisque, et c'était une sensation formidable que d'être là.
Impossible de résister à la tentation, le lendemain matin (un samedi), avant d'entamer la courte étape suivante, d'aller pédaler sur Pennsylvania Avenue —une piste cyclable en plein milieu d'un boulevard, faut le faire. Impossible aussi de ne pas aller saluer notre ami Barack.

Rendu là, effectivement, la bataille de Bull Run et l'esclavage des Noirs semblent très loin.