lundi 1 août 2011

Urbanités

La pauvreté est partout, mais en ville, elle est plus visible, pour peu qu'on passe aux bons endroits. C'est-à-dire là où les bureaux de tourisme préféreraient ne pas vous envoyer.
Dans cette avant-dernière partie du voyage, un itinéraire plus qu'à moitié urbain. Du centre de Washington (A) au centre de Baltimore (B): 70 km, le 23 juillet. Puis jusqu'à Philadelphie (C): 150 km le 24 juillet, les 30 premiers et les 50 derniers à travers des zones urbaines. Enfin, de Philadelphie à New York (130 km), en passant par Trenton (25 juillet... je confesse m'être arrêté à cause de la pluie!) puis Princeton, puis (26 juillet), étonnamment, la partie la plus rurale de ces quatre jours, jusqu'à un traversier menant à l'île de Manhattan (D et E).

Je n’ai pas beaucoup de photos. C’est gênant de passer à vélo, de toute évidence avec une enseigne au néon qui dit je suis en vacances, devant des gens qui n’ont peut-être même pas d’emploi, et de les prendre en photo. C’est également difficile de ne pas travestir la réalité : il y avait à la Nouvelle-Orléans, à deux coins de rue de l’auberge de jeunesse, une série de maisons délabrées, qui auraient pu être les signes évidents de pauvreté, mais qui étaient plutôt les traces de l’ouragan Katrina : comme personne n’est revenu habiter ce coin de rue depuis 2005, personne n’a retapé les maisons.

Et il faut aussi faire attention, avant de succomber aux clichés de la pauvreté-à-l’américaine. Inversez la lentille un instant. Pensez qu'un touriste qui traverse Montréal en voiture ne voit pas les pires secteurs du canal Lachine, de Pointe Saint-Charles ou de la rue Sainte-Catherine Est. Mais un cycliste qui arrive dans l’île de Montréal par l’ouest et en repart par l’est, voit tout ça. Et « ça » dure longtemps. Des kilomètres et des kilomètres.

Toutes les villes ont leurs poches de pauvreté, mais certaines villes en ont plus que d’autres. Les banlieues sud de Birmingham (Bessemer), et d’Atlanta, bien des quartiers centraux d’Atlanta, le sud-ouest de Baltimore et son nord-est. Puis une zone plus tranquille de quelques dizaines de kilomètres, après quoi commencent les boulevards commerciaux et industriels —et pour les amateurs de géographie, c'est là qu'on quitte le Maryland pour entrer au Delaware...
De là, après quelques autres boulevards commerciaux, on entre dans le large secteur industriel, en partie désaffecté, qui couvre la lointaine banlieue ouest de Philadelphie (et pour les amateurs de géographie, c’est là que finit le Delaware, le seul État américain que j’aie franchi d’Ouest en Est en 3 heures!)
La crise du logement —maisons après maisons, des quartiers entiers sont repris par les banques— accentue le problème. Cet article du CityPaper de Philadelphie parle d’une « ville pleine de trous ».

Deux choses sont sûres. Chaque fois, le quartier est pauvre sur des kilomètres. Et il est très majoritairement peuplé de Noirs.

Ca donne moins envie de s’arrêter à Baltimore, quand on est fatigué, qu’on sait avoir encore une vingtaine de kilomètres à faire avant le motel (que voulez-vous, j'ai tendance à les choisir moins onéreux, et ceux-là sont généralement à l'écart de la ville) et qu’on n’a aucun point de repère : ceci est-il le centre? Y a-t-il un centre? Par contre, le journaliste scientifique en moi y a croisé un nom qui revient souvent dans les nouvelles.

Philadelphie a-t-elle mieux réussi l’amalgame? Chose certaine, Broad Street, qui s’étend sur 4 bons kilomètres, ne donne pas l’impression d’avoir été retapée seulement quand on arrive à proximité du centre: sur la photo ci-bas, vous distinguerez au milieu, en agrandissant, le skyline, qui est encore à 3 ou 4 km droit devant.
Incidemment, ci-haut, les autos à gauche sont stationnées... au milieu de la rue!
Et bien sûr, il y a le cas de New York. Une catégorie à part. À en juger par les parcours que j'ai longuement testés sur Google Maps, je me suis probablement évité le pire du New Jersey urbain et industriel en trouvant un traversier qui, à Belford, conduit à la pointe sud de l’île de Manhattan. Ce faisant, je suis passé par Princeton, ville universitaire qui ne vit certainement pas de problèmes de pauvreté...
Puis par un décor étonnamment rural —c'est du blé d'Inde à droite. Étonnamment rural, si on considère que je n'étais plus, alors, qu'à 50 km au sud de Manhattan.


Le pont Verrazano, pour les intimes.
Une autre rencontre de deux géants: le TransAmerica Express et, à droite, une statue qui n'a pas pu être identifiée.
Je remarque qu’ils ont fait beaucoup de progrès, côtés pistes cyclables.
Encore qu’il reste du chemin à faire mais, bon, c'est New York...
Ici, la pauvreté côtoie la richesse plus qu’ailleurs, mais elle est bien dissimulée. Le nord de l’île, où j'ai terminé cette journée, les alentours de la rue Broadway passé la 200e rue (150 rues au nord de Times Square!), puis une banlieue appelée Yonkers, sont plus pauvres, ce qui n’empêche pas de trouver à quelques coins de rue des maisons outrageusement riches et des parcours où les cyclistes du dimanche s’entraînent.

Qui sait, peut-être, rendu là-bas, le vélo est-il le symbole de division des classes sociales : habillé en cycliste, il a les moyens de ne faire du vélo que pour le sport. Habillé en civil, il utilise son vélo pour travailler. À vérifier... :-)

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