samedi 16 juillet 2011

Où sont les vraies routes cyclables?

Si je vous dis que, depuis 30 ans, des dizaines de milliers de kilomètres de rails de chemins de fer, en Amérique du nord, ont été arrachés pour faire place à des pistes cyclables, serez-vous indifférents ou scandalisés?

Les indifférents, en général, ne font pas de vélo sur des pistes cyclables. Quant aux scandalisés:

- ils évoquent qu’à l’heure des réductions de gaz à effet de serre, le train pourrait effectuer un retour, ce qui lui sera difficile sur une piste cyclable;
- mais ils sont surtout hostiles à cette philosophie qui consiste à envoyer les vélos le plus loin possible des autos. Comme ce Jack Taylor, de l'organisme Bicycle Georgia, à qui j’avais demandé conseil sur les routes à suivre pour entrer dans la métropole qu'est Atlanta, et qui avait violemment critiqué les pistes cyclables comme la Silver Comet.

Les gens vous disent d'utiliser la Silver Comet parce qu'essentiellement chaque soi-disant organisation "vélo" de Georgie, et même des États-Unis, appuie sa pratique du vélo sur la peur du trafic automobile. Ces "clubs cyclistes" sont terrifiés à l'idée de pédaler sur les routes. Ils vont le faire les dimanches en conduisant leur voiture jusqu'aux comtés ruraux avoisinants ou jusqu'à la piste Silver Comet. Ces cyclistes du dimanche ont peu, voire jamais entendu parler, du concept de cyclisme utilitaire dans la circulation, et ils pédalent essentiellement à des fins récréatives.

Ce qu'il décrit est typiquement nord-américain (et ça inclut le Québec). Parce qu'au Danemark, en Allemagne ou en Norvège, les cyclistes se rendant de l'équivalent de Birmingham à l'équivalent d'Atlanta auraient eu une route parallèle à celle des voitures ou une voie partagée. Pas une piste, aussi bien asphaltée et jolie soit-elle, les envoyant à travers bois et champs.

Bon, je l’avoue pourtant : j’ai adoré ces 130 km de pistes cyclables. Deux avantages : dans ces États où il n’y a même pas d’accotements dignes de ce nom, la piste est une belle façon d’initier les enfants au vélo. Et après trois jours à constamment avoir dans l’oreille le bruit des voitures... c’est reposant!


L'Alabama est fière d'annoncer que la Chief Ladiga Trail est le premier projet de l'État dans la catégorie de ce qu'ils appellent "from rail to trail" (une "trail", dans leur langage, peut aussi bien être un sentier de marche sur cailloux qu'une piste cyclable asphaltée). La connection avec la Silver Comet, à la « frontière » avec la Georgie, a été complétée en 2008.


Mon itinéraire des 11 et 12 juillet, de Birmingham à Atlanta. A gauche du pointillé, l'Alabama, à droite, la Georgie. J'ai pris la piste Chief Ladiga là où se trouve le point blanc, à Jacksonville, mais elle commence un peu plus au sud. Elle connecte avec Silver Comet, à l’entrée de la Georgie, et de là, 84 km plus loin, nous amène à 30 km du centre-ville d’Atlanta. Et c’est assez facile de s’orienter rendu là, puisqu’il n’y a que deux boulevards qui descendent vers le centre —et que le centre est dans une cuvette.

Évidemment, comme on est aux États-Unis, ils en font toujours un peu trop. Lisez les règles de sécurité sur ce panneau.

Faut quand même pas exagérer. On est à 15 km de la ville suivante. Entre les deux, des fermes et des maisons et des routes de campagne.

Eh bien ce panneau donne raison aux hostiles comme Jack Taylor. Tant que nos décideurs verront le vélo comme un sport si dangereux que 15 km dans un coin semi-urbain représentent l'équivalent de la traversée du désert, on sera à des années-lumière des Européens. Je suis tombé cette semaine sur cet article du magazine américain Yale Environment 360: tant qu’on considère que le vélo n’est qu’un sport qui ne peut se pratiquer qu’avec un maximum de préparations —plutôt qu’un moyen de transport— on est loin du moment où on intégrera les parcours cyclables aux parcours tout court.

Et malheureusement, ça vaut pour le Québec aussi. Face au vélo, je nous sens beaucoup plus Nord-américains qu’Européens. Qu'en dites-vous?

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