Je sais en tout cas qu’il peut apprendre beaucoup aux cyclistes québécois. En 2006, j’avais découvert avec Josée Nadia un parcours balisé qui va de la frontière du Québec jusqu’à Manhattan, qu’ils appellent « la route cycliste no 9 ». 600 km, le long de routes parfois achalandées, le plus souvent tranquilles, mais surtout... toujours directes! C’est-à-dire la route la plus directe qu’aurait pris l’automobiliste, à l’exception des autoroutes.

En comparaison, la Route Verte, au Québec, est rarement aussi directe, et ce n’est même pas son but premier.
Autrement dit, et c’est franchement déconcertant : la philosophie « vélo » du ministère des Transports de l’État de New York (ou de l’Arizona, ou du Colorado, etc.) est plus près de la philosophie du Danemark ou des Pays-Bas que ne l'est le Québec! La philosophie là-bas étant : partout où il y a une route pour les autos, il doit y avoir un espace pour les cyclistes (soit une piste à part, soit un accotement).
Ça, c’est dépaysant!

Et ce sera comme ça sur la plupart des routes de cet État pendant 3 jours et demi, jusqu’à la frontière, à Dundee. Y compris lorsque je contournerai Buffalo, à travers sa banlieue achalandée : non, je n’aurai pas des accotements, faut pas rêver, mais continuellement des « share the road » le long d’un itinéraire que j’avais pourtant tracé un peu au hasard, par Google Maps, dans le seul but d'arriver plus vite à mon hôtel.
En terrain familier
Bon, y a pas juste le vélo dans la vie. Des sursauts de familiarité, il y en avait aussi eu beaucoup plus tôt, au milieu de ce continent. J’ai déjà mentionné la ville d’Ottawa au Kansas. Pas difficile de deviner que se cache, derrière cette homonymie, une histoire amérindienne commune (de fait, il y eut jadis une nation nommée Ottawa, répartie en quatre « tribus », l’une au Kansas et les autres dans la région des Grands Lacs).
Pas de quoi s’étonner non plus, pour qui se rappelle l'Histoire de la Nouvelle-France, de trouver des noms français. La Marquette Street, le LaPorte County... Encore que le ruisseau qui traverse Ottawa réussit à surprendre : la rivière Marais des Cygnes... Ce n’est pas moi qui traduit, c’est vraiment comme ça qu'ils l'écrivent!


Invasions canadiennes
D’autres « présences » familières étaient tout aussi prévisibles. Les premières outardes par exemple, rencontrées 75 km avant Chicago, le long de la rivière Fox... Car Chicago, c’est aussi le lac Michigan, et les Grands Lacs, c’est leur territoire à elles!

Et leurs cousines, 1000 km plus loin, près d’Ogdensburg, dans l’État de New York.




Saviez-vous que dans cette partie de la Pennsylvanie qui touche au lac Erie, on longe des vignobles pendant des dizaines de kilomètres? Même en France, je n’en ai jamais vu autant en même temps!


N'empêche que cette fois, j'ai tout fait pour contourner Rochester par le sud. Résultat, j’ai peut-être découvert son plus beau spot : sa piste cyclable!


Ou que dire de Syracuse? J'en suis passé à 60 km, mais j'ai senti sa force d’attraction (le journal, encore...). Festival de jazz, de l'artisanat, de la pomme, Festival italien, polonais, irlandais... tout ça pendant le même mois!
Ou Oswego? À 400 km de Montréal et là, on n'est plus sur le bord du lac Erié, mais Ontario. Ne manquez pas son Coffee Connection, un de ces petits cafés indépendants que j'adore, et ce qui ne gâte rien, juste au bord de l'eau!


Et les Amish, tiens tiens. Je les savais en Pennsylvanie (j'ai vu ça dans Witness...). Mais il y a eu ce panneau, dès l'Indiana...


Alors pourquoi n'est-on pas plus nombreux à s'y aventurer? Eh bien c’est peut-être de la faute aux routes. Vous savez combien les cyclistes aiment se plaindre de la mauvaise qualité de l’asphalte québécoise. Elle offre trois tares fréquentes : 1) une fissure perpendiculaire tous les 10 mètres, ce qui finit par faire mal aux fesses et aux poignets; 2) un rebord d’asphalte si mal découpé, tellement fracturé, qu’il oblige le cycliste, désireux de garder la droite, à zigzaguer; et 3) pas d’accotement pavé sur une route à grande circulation.
Certes, j'ai vu ça aussi aux États-Unis. En 5100 km de routes dans 13 États américains, j'ai régulièrement rencontré ces trois défauts.
Mais il n’y a qu’au Québec que j’ai eu droit aux trois en même temps. Ça, c’est du dépaysement!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire