mardi 3 août 2010

Qu'est-ce qui se cache, entre Chicago et Montréal?

Entre le centre-ville de Chicago et celui de Montréal, il y a 1500 km. C’est à la fois peu —deux jours d’auto, voire un seul si deux personnes se partagent le volant— et c’est à la fois beaucoup —ça doit l'être, considérant que très peu de Québécois, par la route, ont dépassé le Nord de l’État de New York (Plattsburgh, les Adirondacks) et que très, très peu ont dépassé l’Ouest de l’État de New York (les Finger Lakes, Niagara).

Ma théorie: il y a une barrière psychologique. À plus de 200 km de chez eux, spécialement si c'est de l'autre côté de la frontière, la plupart des gens commencent à se sentir insécures. Sauf si d'autres Québécois ont déjà fait de nombreux allers-retours pour témoigner qu'on peut en revenir sain et sauf (les plages du Maine, Boston, New York), ils ne s'aventureront pas dans la jungle. De sorte que tout ce qui se trouve entre Chicago et nous pourrait aussi bien loger sur la planète Mars.
Le centre-ville de Chicago, vu de la piste cyclable du lac Michigan, à environ 1490 km de Montréal (23 juillet 2010).

Moi aussi, j'avais une barrière psychologique à franchir. Comme je l’écrivais dans Chicago Blues, en quittant Chicago par l’Est, je devais me faire à l'idée que, eh bien non, je n'en avais pas encore fini avec les grandes plaines agricoles.

Certes, ceux qui sont forts en géographie vous diront que toute la région entre le lac Michigan et le lac Erié (image ci-bas) n'appartient pas à la région des Grandes plaines de l'Ouest. Mais pour qui traverse le continent, c'est pareil: après avoir quitté la banlieue de Chicago, jusqu'à la grande agglomération urbaine de Toledo, vous en avez encore pour 350 km essentiellement agricoles, et plats.

Et pourtant, c’est une région riche pour le vélo. Pensez-y: si même le Missouri, l'Iowa et l'Illinois (voir ce texte) ont réussi à investir énormément dans les parcours cyclistes, les yuppies de Chicago et des autres villes plus à l'Est n'allaient pas manquer d'avoir encore plus d'influence sur des États (l'Indiana, le Michigan et l'Ohio) qui sont encore plus à portée de leurs pédales.

D'UN LAC À L'AUTRE
Chicago est la plus grande ville de l'Illinois (et de loin: c'est la 3e plus grande ville des États-Unis!) mais sa banlieue Est s'étend en fait en Indiana. Et il se trouve que l'Indiana a beaucoup investi dans la signalisation et la réfection de parcours cyclables.

Il se trouve aussi qu'en faisant ce parcours vers l'Est, on n'est jamais à plus de 30 km de la frontière de l'État du Michigan, au point où une grande région, à cheval sur ces deux États, est appelée « Michiana ». Et en poursuivant vers Toledo, on arrive bien vite en Ohio, ce qui a conduit à cette situation bizarroïde: le second jour (25 juillet), je quitte Howe, Indiana, par la route 120. Une cinquantaine de km plus loin, celle-ci devient la route W Territorial du Michigan. Encore 50 km, et elle redevient la route 120... en Ohio. Trois États en une journée!

Étrangement, bien que l'Indiana s'étende beaucoup plus loin vers le sud, c'est dans cette partie nord que se trouve la ville, South Bend, qui abrite le plus grand nombre d'usagers réguliers du vélo, selon le groupe de pression Indiana Bicycle Coalition.
Il n'y a pas que des cyclistes qu'on trouve dans la partie nord de l'Indiana: des vignobles aussi. Sur la route de comté W 450 N, à l'est de Michigan City, 24 juillet.
La route de comté no 14, un mélange parfait de quiétude, de résidences colorées et d'ondulations dans le paysage... plutôt que dans la route. Entre Elkhart et Bristol, Indiana, 24 juillet.

OHIO

Donc, quand on atteint le lac Érié, on est en Ohio. Plus précisément dans l'agglomération urbaine de Toledo qui est, à l'insu de tous (et de moi le premier), la 2e plus grande agglomération urbaine sur cette route Chicago-Montréal!

Ville universitaire, portuaire, de services: elle a tout ce qu'il faut pour satisfaire l'urbain. Y compris des Starbuck puisque, j'ai presque honte de l'avouer, mais ce matin-là, le fait de découvrir (merci Google Maps!) qu'il y en aurait un sur ma route en fin de journée, en banlieue de Toledo, un gros 20 km avant la fin de l'étape (150 plutôt que 170!), ça a suffi à m'encourager.

Si je vous lance ce petit détail en passant, c'est parce qu'il fait partie de ces trucs et astuces bien plus importants que la forme physique ou l'état des mollets. Ces trucs et astuces que la moitié émotive du cerveau du cycliste trouve de-ci de là pour convaincre la partie rationnelle de poursuivre... Je reviendrai sur cette schizophrénie dans un des prochains (et derniers) billets.

Donc, Toledo, et l'Ohio.


De haut en bas: un des bâtiments du campus de l'Université de Toledo, l'observatoire astronomique et le musée d'art contemporain (25 juillet 2010).

Non seulement le nord de l'Ohio concurrence-t-il le nord de l'Indiana pour la qualité des parcours cyclables, mais il a en plus pour lui l'avantage d'être quadrillé, comme me l'avait expliqué un correspondant du groupe de lobby Cleveland Bikes:

You will find that our part of northern Ohio has many roads that mainly lie on a north/south and east/west grid. To get somewhere just zig zag. You will find the spacing of the roads quite regular only interrupted by streams of railroads. If you see a state road map you may find a diagonal route.


Toutefois, attention: entre Toledo et Cleveland, il est très important d'éviter le chemin logique, qui serait de longer le lac Erié. Parce qu'à mi-chemin entre ces deux métropoles, le pont de la baie Sandusky est interdit aux vélos. Après Toledo, j'ai plutôt pris la route Woodville jusqu'au village d'Elmore (25 km) où commence la première de deux pistes cyclables rurales (et celles-ci étant asphaltées, elle feront l'unanimité) qui, sur 40 km, conduisent à Clyde.

Ensuite, mon choix s'est porté sur la route 113, pas trop achalandée, qui conduit jusqu'à la banlieue de Cleveland (Elyria: environ 70 km plus loin).
Vous savez que vous êtes dans un petit village quand le très bel hôtel de ville fait la taille du garage d'à côté (entre Milan et Elyria, Ohio, 26 juillet).

Il y a d'autres parcours cyclables réputés, qui mériteraient une autre visite, notamment, semble-t-il, dans le Parc national Cuyahoga, au sud de Cleveland.

Mais pour cette fois-ci, donc, Cleveland. Agglomération urbaine de 3 millions d'habitants, sur le lac Erié, centre culturel elle aussi, ancienne ville industrielle. Où on n'est plus qu'à 900 km de Montréal.
Vous savez que vous êtes dans une ville moderne quand... (voir le 3e panneau)
Ci-haut, le Centre des sciences de Cleveland. Ci-bas, le Rock and Roll Hall of Fame. (27 juillet 2010)

Si vous voulez quitter par la ville, ce n'est pas le choix qui manque: il y a une autre cinquantaine de kilomètres de banlieues vers l'Est (jusqu'à Painesville). Si vous voulez longer le lac Erié, il y a presque toujours une LakeShore Road, comme à Montréal, qui devient, en zone rurale, le chemin le plus direct à part l'autoroute.
Le lac Erié, vu du bord de la route 531 (Lake Road W), entre Geneva et Ashtabula, Ohio, 27 juillet.

Et reste après ça une dernière leçon de géographie: une soixantaine de kilomètres après avoir laissé la banlieue de Cleveland, on quitte l'Ohio pour entrer dans quel État? La Pennsylvanie. On n'y sera pas longtemps, ce n'est qu'une excroissance qui s'étire jusqu'au lac Erié, mais juste assez pour sentir une nouvelle façon d'accueillir et de guider les cyclistes... presque jusqu'à Montréal. Suite et fin dans le prochain (et avant-dernier) billet.
Route 20, vers l'Est, à 800 km de Montréal.

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