jeudi 12 août 2010

Le cycliste schizophrène

Il y a deux cerveaux qui pédalent : un qui dit « arrête, ça suffit, c’est trop dur », et l’autre qui dit, « Ok, on se rend jusqu’à l’arbre là-bas », ou « le virage » ou « le 20e km ».

Et ainsi, d'arbre en arbre, c’est ce qui explique que des cyclistes vont réussir à faire 100 km en une journée, alors qu’ils s’en seraient cru incapables quelques années plus tôt. C’est aussi ce qui explique qu’on puisse faire 37 jours.

Autrement dit : pour faire mes 5215 km à vélo pendant 37 jours, de San Diego à Montréal, fallait être un tantinet schizophrène. Mais pour en faire 100 aussi!

Voilà comment l'exprime Josée Nadia Drouin:

Je l'avoue, le plus dur pour moi, c'est le... premier 50 km! Par la suite, étrangement, les kilomètres s'accumulent rapidement. Mais encore faut-il que je me sois préparée à l'avance à parcourir 150 ou 200 km. Parce que, voyez-vous, si je prévoyais ne parcourir que 70 km, il ne faut pas essayer de m'en faire avaler davantage. Impossible. Et je vous assure : ces 70 km seront aussi exigeants à mouliner que les 150 ou 200 autres km.

Si vous avez déjà fait une longue randonnée à vélo, ne serait-ce que d'une matinée, vous savez de quoi on parle. C’est un combat entre deux volontés. Est-ce entre le cerveau gauche et le cerveau droit, entre l’émotion et la raison, je n'en sais rien. Mais une chose est sûre, ça se passe dans la tête autant que dans les jambes. Peut-être plus encore dans la tête que dans les jambes.

Par exemple. On est dans l’après-midi, je suis quelque part dans la prairie. La dernière pause commence à être loin, mais je me suis fixé comme objectif de ne pas m’arrêter avant la prochaine intersection, laquelle, selon mon itinéraire, n’est plus qu’à quelques kilomètres. Ceux-ci sont pénibles, le vent souffle de face, la grogne monte en moi, et quand finalement arrive l’intersection, c’est en rogne et endolori que je débarque du vélo... Ce faisant, mes yeux tombent sur l’odomètre : 157 km depuis ce matin! « Oh wow, c’est bon! » Et la rogne et la douleur s'envolent d’un seul coup!

Stéphane Gagné raconte cette anecdote:

Lors de ces voyages, tout n’est pas rose pourtant. Il y a des journées où des trombes de pluie vous tombent dessus ou bien vous devez lutter contre un vent de face coriace. Dans ces moments moins plaisants, il faut garder en tête l’objectif et toujours voir le beau côté des choses. Car il y a toujours un beau côté ou des moments de grâce inoubliables dans un voyage. Par exemple, le 27 avril dernier, j’étais à Plattsburg (NY) le matin, et je devais me rendre à vélo à Ticonderoga, 120 km plus au sud. Mais, moi et mon partenaire n’étions pas très motivés à rouler cette journée-là. C’est qu’il faisait 3 degrés dehors et qu’il neigeait à gros flocons (de la neige fondante, heureusement). La veille, nous avions eu une journée extraordinaire : un beau soleil avec une température de 20 degrés. La preuve qu’en plein air, il faut s’attendre à tout. Or, comme nous devions être à New York, quatre jours plus tard, nous sommes sorti affronter les intempéries. Nous ne l’avons pas regretté. De magnifiques paysages enneigés se sont offerts à nous dans les montagnes que nous traversions. Choses que l’on voit rarement à vélo. De ces moments difficiles, je retiens plus les belles choses que j’ai vécues que ce qui m’a semblé désagréable. La joie d’être à vélo, sur la route, libre, surpasse tout le reste.

Pour que la 2e voix (on continue!) l’emporte sur la première (on arrête!) chacun développe des trucs. L’un des miens tourne autour de l’odomètre : y aller de petits calculs. « Ok, 32 km de faits, sur 160 aujourd’hui, ça veut dire... Hmm... Oh, déjà un cinquième de fait! » Et arrive toujours un seuil en-dessous duquel on commence à regarder ça dans l'autre sens : « oh wow, il reste juste 30 km ».

Le secret est dans la pause
En haut: pause-symbolique à Phoenix (30 juin), au même endroit qu'en mars 2007... En bas: pause-anecdote. Fin d'après-midi du 11 juillet, 170 km de faits sur 195, donc ça achève mais c'est long. Et il fait chaud. J'arrive à Pritchett, premières habitations depuis 75 km! Je vois l'enseigne d'un restaurant, chouette!... Merde, il est fermé le dimanche. Je m'arrête malgré tout, il y a un porche avec une ombre, autant en profiter. Oups, le porche est déjà occupé par un gros chien qui se lève à mon arrivée: chien de garde? Je lui parle gentiment... et il accepte de partager son ombre avec moi. :-)
Bien sûr qu’il faut aussi suivre les conseils qu’on vous donne un peu partout : adéquatement s’alimenter. Les pizzas ou les pâtes, le soir, ça ne peut qu’aider. Et le sucre en cours de route. Bien sûr qu'il faut également boire, et pas juste de l'eau: j’étais sceptique sur le Gatorade, je reconnais que dans la deuxième moitié des journées, ses sels minéraux faisaient une différence.

Mais le désert m’a fait réaliser à quel point la pause, à elle seule, est tout aussi importante. Ça fait un bien fou de s’arrêter. Juste s’arrêter, et s’asseoir. Encore mieux si c'est sur une vraie chaise.
En haut: sundae aux cerises authentiquement en conserves. Effet sur le cycliste: comme des vraies! À Polo, Missouri (18 juillet), village d'environ 15 habitants, incluant le sundae. En bas: café soi-disant français, à South Bend, Indiana, 24 juillet.
Parce que la liqueur froide, ou le sundae, ou le chocolat, ils ont un effet sur le physique c'est sûr, mais sur le moral aussi. Et dans certains cas, plus encore sur le moral. Mon corps n'avait pas toujours besoin de ce sundae aux cerises, de ce Dr Pepper ou de ce moka glacé. Mais qu’est-ce que ça faisait du bien. Ce n’étaient pas juste les douleurs qu’ils effaçaient. C’était le down qui disparaissait, avant même la première gorgée (imaginez après!).

À preuve de l'importance du moral: c’est fou combien des choses a priori anodines font une différence. Je suis épuisé par une montée, je vois un panneau qui annonce le sommet, hop, fini l’épuisement! Je pensais avoir atteint la ville où se trouve le motel, mais la route qui s’étire interminablement gruge ma patience. Tout à coup, voilà les premiers commerces marquant les débuts de la ville : hop, me voilà ragaillardi!

Et finalement: le dernier matin, j’arrive à la frontière, à Dundee. Déjà fatigué avec 35 km dans le corps (ou 5100...). Le douanier canadien pose sa question habituelle : « Où êtes-vous allé? » Et moi, de lui répondre avec une fierté non-dissimulée : « San Diego, Monsieur! ». Ses yeux écarquillés, sa tête qui sort de son cagibi pour regarder le vélo... En quittant le poste-frontière, j’avais une surcharge d’adrénaline!

C'est ça aussi, le vélo. Un voyage intérieur, comme qu'y disent. Merci d'en avoir fait une partie avec moi.
1er août, 21h: les lumières de la ville. À 5205 km de San Diego!

vendredi 6 août 2010

Je connais mieux mon continent depuis que je le pédale

C’est sûr, 5215 km à travers les États-Unis est moins exotique que 5215 km à travers l’Asie ou l’Afrique. Et pourtant, qu’est-ce que je connaissais, avant de partir, de ce qui distingue les gens du Nouveau-Mexique ou du Kansas? Qu’est-ce qu’on connaît de l’Illinois, à part le centre-ville de Chicago? Même notre voisin, l’État de New York, n’y a-t-il pas des choses qu’il peut nous apprendre, qu’on soit urbains, ruraux... cyclistes ou non?

Je sais en tout cas qu’il peut apprendre beaucoup aux cyclistes québécois. En 2006, j’avais découvert avec Josée Nadia un parcours balisé qui va de la frontière du Québec jusqu’à Manhattan, qu’ils appellent « la route cycliste no 9 ». 600 km, le long de routes parfois achalandées, le plus souvent tranquilles, mais surtout... toujours directes! C’est-à-dire la route la plus directe qu’aurait pris l’automobiliste, à l’exception des autoroutes.

Et cette route cycliste no 9 n’est qu’un des trois axes principaux (image ci-contre) balisés pour les cyclistes, à travers l'immense État de New York, en plus de plusieurs axes secondaire (voir la section « vélo » du ministère des Transports de NY)

En comparaison, la Route Verte, au Québec, est rarement aussi directe, et ce n’est même pas son but premier.

Autrement dit, et c’est franchement déconcertant : la philosophie « vélo » du ministère des Transports de l’État de New York (ou de l’Arizona, ou du Colorado, etc.) est plus près de la philosophie du Danemark ou des Pays-Bas que ne l'est le Québec! La philosophie là-bas étant : partout où il y a une route pour les autos, il doit y avoir un espace pour les cyclistes (soit une piste à part, soit un accotement).

Ça, c’est dépaysant!
L’État de New York tel que l’avais connu entre Montréal et New York en 2006 se « sent » d’ailleurs dès que je met une roue dans cet État, le 28 juillet, le long du lac Erié. Tout au long de la route 5 : large accotement, semblable à celui de la « route cyclable no 9 » —et pourtant, officiellement, je ne suis même pas sur une route cyclable. Ça semble simplement normal aux autorités de l’État de New York que de placer un accotement d’un mètre de large sur une route secondaire.

Et ce sera comme ça sur la plupart des routes de cet État pendant 3 jours et demi, jusqu’à la frontière, à Dundee. Y compris lorsque je contournerai Buffalo, à travers sa banlieue achalandée : non, je n’aurai pas des accotements, faut pas rêver, mais continuellement des « share the road » le long d’un itinéraire que j’avais pourtant tracé un peu au hasard, par Google Maps, dans le seul but d'arriver plus vite à mon hôtel.

En terrain familier

Bon, y a pas juste le vélo dans la vie. Des sursauts de familiarité, il y en avait aussi eu beaucoup plus tôt, au milieu de ce continent. J’ai déjà mentionné la ville d’Ottawa au Kansas. Pas difficile de deviner que se cache, derrière cette homonymie, une histoire amérindienne commune (de fait, il y eut jadis une nation nommée Ottawa, répartie en quatre « tribus », l’une au Kansas et les autres dans la région des Grands Lacs).

Pas de quoi s’étonner non plus, pour qui se rappelle l'Histoire de la Nouvelle-France, de trouver des noms français. La Marquette Street, le LaPorte County... Encore que le ruisseau qui traverse Ottawa réussit à surprendre : la rivière Marais des Cygnes... Ce n’est pas moi qui traduit, c’est vraiment comme ça qu'ils l'écrivent!
Mais le plus surprenant sera ce nom, en Indiana:
Comment prononcent-ils ça? :-)

Invasions canadiennes

D’autres « présences » familières étaient tout aussi prévisibles. Les premières outardes par exemple, rencontrées 75 km avant Chicago, le long de la rivière Fox... Car Chicago, c’est aussi le lac Michigan, et les Grands Lacs, c’est leur territoire à elles!

Et leurs cousines, 1000 km plus loin, près d’Ogdensburg, dans l’État de New York.
En revanche, certaines « présences » étaient beaucoup moins prévisibles. Des bleuets au Michigan, j’aurais pu y penser, mais dans un emballage anglais-français???
Des Tim Hortons —fast-food 100% canadien— dans tout l'ouest de l'État de New York, c'est compréhensible, la frontière, à Niagara, n'est pas loin. Mais un train du CN, entre Toledo et Cleveland, Ohio?
Tout cela mis bout à bout, on pourrait en déduire que l’odeur de familiarité est de plus en plus forte à mesure qu’on approche de Montréal, non? Et pourtant, pas du tout. Je n'avais jamais entendu parler, par exemple, de la belle petite ville d’Erie, en Pennsylvanie, à 750 km de Montréal, assortie de son Parc de la presqu'île.
La dernière partie du voyage: de (A) Erie (Pennsylvanie) à (B) Depew (New York, 28 juillet) puis (C) Wolcott (29 juillet), (D) Watertown (30 juillet) et (E) Massena (31 juillet), d'où on n'est plus qu'à 150 km de Montréal (1er août).

Saviez-vous que dans cette partie de la Pennsylvanie qui touche au lac Erie, on longe des vignobles pendant des dizaines de kilomètres? Même en France, je n’en ai jamais vu autant en même temps!
Ci-haut: à gauche de la route 5, avec le lac en arrière-plan. Ci-bas: à droite. Et c'est comme ça pendant au moins 30 km, après la ville d'Erie.
Qui connaît la beaucoup moins belle ville de Rochester, New York, à 500 km? En 2006, elle m'avait laissé une impression moche. Pourtant, son journal, cette fin de semaine-là, révèle des concerts de musique celtique, un festival du film juif, un week-end de la culture hispanique, et je ne vous parle pas du country et des Journées Laura Ingalls d'un musée local.

N'empêche que cette fois, j'ai tout fait pour contourner Rochester par le sud. Résultat, j’ai peut-être découvert son plus beau spot : sa piste cyclable!

La piste en question longe le canal Erie qui, à cet endroit, forme un demi-cercle contournant la ville-centre. En haut : la vue, près de l’université. En bas : à Pittsford, au sud-est de la ville-centre.

Ou que dire de Syracuse? J'en suis passé à 60 km, mais j'ai senti sa force d’attraction (le journal, encore...). Festival de jazz, de l'artisanat, de la pomme, Festival italien, polonais, irlandais... tout ça pendant le même mois!

Ou Oswego? À 400 km de Montréal et là, on n'est plus sur le bord du lac Erié, mais Ontario. Ne manquez pas son Coffee Connection, un de ces petits cafés indépendants que j'adore, et ce qui ne gâte rien, juste au bord de l'eau!

Watertown, à 300 km? Pas eu le temps de comprendre ce qui s’y passe, mais il s’y passe sûrement de quoi : j’ai failli ne pas trouver de chambre, et la ville ne semble pourtant pas si grande! Son journal révèle une zone d’influence qui s’étend jusqu’à la frontière: qui sait, elle est peut-être l'équivalent de Plattsburgh, pour la région allant du flanc ouest des Adirondacks jusqu'au Saint-Laurent?

Et les Amish, tiens tiens. Je les savais en Pennsylvanie (j'ai vu ça dans Witness...). Mais il y a eu ce panneau, dès l'Indiana...
... puis le même panneau, plusieurs fois dans le nord de l'État de New York. Jusqu’à ce que je croise effectivement la carriole du panneau —les deux barbus qui la conduisaient sont comme dans le film— et que je comprenne que ce large accotement, dans ce coin-ci... il ne sert pas juste aux vélos! À Ogdensburg, qui n’est plus qu’à 200 km de Montréal, petite ville sur ce qui s’appelle ici la St. Lawrence River, encore des Amish, qui vendent au bord de la route des biscuits ou des paniers en osier.
Bref, pour l'absence d’exotisme, on repassera.

Alors pourquoi n'est-on pas plus nombreux à s'y aventurer? Eh bien c’est peut-être de la faute aux routes. Vous savez combien les cyclistes aiment se plaindre de la mauvaise qualité de l’asphalte québécoise. Elle offre trois tares fréquentes : 1) une fissure perpendiculaire tous les 10 mètres, ce qui finit par faire mal aux fesses et aux poignets; 2) un rebord d’asphalte si mal découpé, tellement fracturé, qu’il oblige le cycliste, désireux de garder la droite, à zigzaguer; et 3) pas d’accotement pavé sur une route à grande circulation.

Certes, j'ai vu ça aussi aux États-Unis. En 5100 km de routes dans 13 États américains, j'ai régulièrement rencontré ces trois défauts.

Mais il n’y a qu’au Québec que j’ai eu droit aux trois en même temps. Ça, c’est du dépaysement!

jeudi 5 août 2010

Une invention révolutionnaire!

Elle est composée de trois tubes de métal et d’un levier. Et cette technologie digne du USS Enterprise de Star Trek permet de déposer un vélo au-devant d’un autobus, en toute sécurité. Incroyable, non?

Oui, d'accord, j'ironise, et ceux qui me connaissent savent que j'en parle depuis longtemps. Les supports à vélo pour autobus existent depuis plus de 20 ans. Plusieurs centaines de villes nord-américaines et européennes les ont adoptés : mais Montréal fait la sourde oreille, en partie parce que les conducteurs de la STM s’y sont fermement opposé. Quelqu'un aurait soi-disant déclaré que cela risquait « d’obstruer les phares ».

À leur défense, il est possible que cette recommandation ait été émise par un aveugle qui n’avait jamais vu un vélo.

Aussi, à titre d’illustration, voici une liste des villes traversées (ou effleurées) pendant mon voyage, dont j'ai pu observer que leurs autobus publics sont dotés d'un tel support à vélo. Suivie d’une liste des villes traversées dont les autobus NE SONT PAS dotés d’un support à vélo.

Les villes traversées pendant ce voyage, dont les autobus sont dotés d'un support à vélo

San Diego, Californie
Phoenix, Arizona (agglomération urbaine)
Albuquerque, Nouveau-Mexique
Santa Fe, Nouveau-Mexique
Kansas City (agglomération urbaine), Kansas et Missouri
Davenport, Iowa et Moline, Illinois (agglomération urbaine)
Chicago, Illinois (agglomération urbaine)
Toledo, Ohio (agglomération urbaine)
Cleveland, Ohio (agglomération urbaine)
Erie, Pennsylvanie
Buffalo, New York (banlieue sud : je n’ai pas vu la ville-centre)
Rochester, New York
Oswego, New York


Les villes traversées pendant ce voyage, dont les autobus NE SONT PAS dotés d'un support à vélo

Montréal




De haut en bas: Chicago (Illinois), Erie (Pennsylvanie, à 750 km de Montréal) et Oswego (New York, à 400 km de Montréal)

(source de la photo du début du billet : SportWorks)

mercredi 4 août 2010

Pour en savoir plus...

Si vous faites un voyage à vélo dans un des États mentionnés dans ce blogue, les références suivantes pourraient vous servir. Chaque État a son ministère des Transports, et chacun a sa section "vélo" (les liens, plus bas, étiquetés "ministère des Transports", conduisent chaque fois vers cette section). On y trouve tantôt des cartes des pistes cyclables, ou mieux encore, de tous les parcours suggérés. Par ailleurs, chaque État a son ou ses groupes de pression cyclistes, qui peuvent s'avérer une banque de ressources fort utiles.

Les coordonnateurs "vélos et piétons", pour chaque État américain
Groupes de pression nationaux:
- League of American Bicyclists
- Adventure Cycling Association


CALIFORNIE
Ministère des Transports
San Diego County Bicycle Coalition
Bike San Diego

ARIZONA
Ministère des Transports
Coalition of Arizona Bicyclists

NOUVEAU-MEXIQUE
Ministère des Transports
Bike Coalition of New Mexico

COLORADO
Ministère des Transports
Bicycle Colorado

KANSAS
Ministère des Transports
KanBikeWalk
Prairie Travelers

Kansas et Missouri
Kansas City Bicycle Club
Greater Kansas City Bicycle Federation

MISSOURI
Ministère des Transports
Missouri Bicycle and Pedestrian Federation

IOWA
Ministère des Transports
Iowa Bicycle Coalition
RAGBRAI: le plus ancien "Grand Tour" des États-Unis

Iowa et Illinois
Quad Cities Bicycle Club (région de Davenport et Moline)

ILLINOIS
Ministère des Transports
League of Illinois Bicyclists

Illinois et Indiana
Major Taylor Cycling Club Chicago

INDIANA
Ministère des Transports
Indiana Bicycle Coalition

Indiana et Michigan
Michiana Bicycle Association

MICHIGAN
Ministère des Transports

OHIO
Ministère des Transports
Ohio Bicycle Federation
Toledo Area Bicyclists
Lake Erie Wheelers (grande région de Cleveland)
Cleveland Bikes

PENNSYLVANIE
Ministère des Transports
Pennsylvania Cycling Association
Presque Isle Cycling Club (pour la région de la ville d'Erie)

NEW YORK
Ministère des Transports
New York Bicycle Coalition

mardi 3 août 2010

Qu'est-ce qui se cache, entre Chicago et Montréal?

Entre le centre-ville de Chicago et celui de Montréal, il y a 1500 km. C’est à la fois peu —deux jours d’auto, voire un seul si deux personnes se partagent le volant— et c’est à la fois beaucoup —ça doit l'être, considérant que très peu de Québécois, par la route, ont dépassé le Nord de l’État de New York (Plattsburgh, les Adirondacks) et que très, très peu ont dépassé l’Ouest de l’État de New York (les Finger Lakes, Niagara).

Ma théorie: il y a une barrière psychologique. À plus de 200 km de chez eux, spécialement si c'est de l'autre côté de la frontière, la plupart des gens commencent à se sentir insécures. Sauf si d'autres Québécois ont déjà fait de nombreux allers-retours pour témoigner qu'on peut en revenir sain et sauf (les plages du Maine, Boston, New York), ils ne s'aventureront pas dans la jungle. De sorte que tout ce qui se trouve entre Chicago et nous pourrait aussi bien loger sur la planète Mars.
Le centre-ville de Chicago, vu de la piste cyclable du lac Michigan, à environ 1490 km de Montréal (23 juillet 2010).

Moi aussi, j'avais une barrière psychologique à franchir. Comme je l’écrivais dans Chicago Blues, en quittant Chicago par l’Est, je devais me faire à l'idée que, eh bien non, je n'en avais pas encore fini avec les grandes plaines agricoles.

Certes, ceux qui sont forts en géographie vous diront que toute la région entre le lac Michigan et le lac Erié (image ci-bas) n'appartient pas à la région des Grandes plaines de l'Ouest. Mais pour qui traverse le continent, c'est pareil: après avoir quitté la banlieue de Chicago, jusqu'à la grande agglomération urbaine de Toledo, vous en avez encore pour 350 km essentiellement agricoles, et plats.

Et pourtant, c’est une région riche pour le vélo. Pensez-y: si même le Missouri, l'Iowa et l'Illinois (voir ce texte) ont réussi à investir énormément dans les parcours cyclistes, les yuppies de Chicago et des autres villes plus à l'Est n'allaient pas manquer d'avoir encore plus d'influence sur des États (l'Indiana, le Michigan et l'Ohio) qui sont encore plus à portée de leurs pédales.

D'UN LAC À L'AUTRE
Chicago est la plus grande ville de l'Illinois (et de loin: c'est la 3e plus grande ville des États-Unis!) mais sa banlieue Est s'étend en fait en Indiana. Et il se trouve que l'Indiana a beaucoup investi dans la signalisation et la réfection de parcours cyclables.

Il se trouve aussi qu'en faisant ce parcours vers l'Est, on n'est jamais à plus de 30 km de la frontière de l'État du Michigan, au point où une grande région, à cheval sur ces deux États, est appelée « Michiana ». Et en poursuivant vers Toledo, on arrive bien vite en Ohio, ce qui a conduit à cette situation bizarroïde: le second jour (25 juillet), je quitte Howe, Indiana, par la route 120. Une cinquantaine de km plus loin, celle-ci devient la route W Territorial du Michigan. Encore 50 km, et elle redevient la route 120... en Ohio. Trois États en une journée!

Étrangement, bien que l'Indiana s'étende beaucoup plus loin vers le sud, c'est dans cette partie nord que se trouve la ville, South Bend, qui abrite le plus grand nombre d'usagers réguliers du vélo, selon le groupe de pression Indiana Bicycle Coalition.
Il n'y a pas que des cyclistes qu'on trouve dans la partie nord de l'Indiana: des vignobles aussi. Sur la route de comté W 450 N, à l'est de Michigan City, 24 juillet.
La route de comté no 14, un mélange parfait de quiétude, de résidences colorées et d'ondulations dans le paysage... plutôt que dans la route. Entre Elkhart et Bristol, Indiana, 24 juillet.

OHIO

Donc, quand on atteint le lac Érié, on est en Ohio. Plus précisément dans l'agglomération urbaine de Toledo qui est, à l'insu de tous (et de moi le premier), la 2e plus grande agglomération urbaine sur cette route Chicago-Montréal!

Ville universitaire, portuaire, de services: elle a tout ce qu'il faut pour satisfaire l'urbain. Y compris des Starbuck puisque, j'ai presque honte de l'avouer, mais ce matin-là, le fait de découvrir (merci Google Maps!) qu'il y en aurait un sur ma route en fin de journée, en banlieue de Toledo, un gros 20 km avant la fin de l'étape (150 plutôt que 170!), ça a suffi à m'encourager.

Si je vous lance ce petit détail en passant, c'est parce qu'il fait partie de ces trucs et astuces bien plus importants que la forme physique ou l'état des mollets. Ces trucs et astuces que la moitié émotive du cerveau du cycliste trouve de-ci de là pour convaincre la partie rationnelle de poursuivre... Je reviendrai sur cette schizophrénie dans un des prochains (et derniers) billets.

Donc, Toledo, et l'Ohio.


De haut en bas: un des bâtiments du campus de l'Université de Toledo, l'observatoire astronomique et le musée d'art contemporain (25 juillet 2010).

Non seulement le nord de l'Ohio concurrence-t-il le nord de l'Indiana pour la qualité des parcours cyclables, mais il a en plus pour lui l'avantage d'être quadrillé, comme me l'avait expliqué un correspondant du groupe de lobby Cleveland Bikes:

You will find that our part of northern Ohio has many roads that mainly lie on a north/south and east/west grid. To get somewhere just zig zag. You will find the spacing of the roads quite regular only interrupted by streams of railroads. If you see a state road map you may find a diagonal route.


Toutefois, attention: entre Toledo et Cleveland, il est très important d'éviter le chemin logique, qui serait de longer le lac Erié. Parce qu'à mi-chemin entre ces deux métropoles, le pont de la baie Sandusky est interdit aux vélos. Après Toledo, j'ai plutôt pris la route Woodville jusqu'au village d'Elmore (25 km) où commence la première de deux pistes cyclables rurales (et celles-ci étant asphaltées, elle feront l'unanimité) qui, sur 40 km, conduisent à Clyde.

Ensuite, mon choix s'est porté sur la route 113, pas trop achalandée, qui conduit jusqu'à la banlieue de Cleveland (Elyria: environ 70 km plus loin).
Vous savez que vous êtes dans un petit village quand le très bel hôtel de ville fait la taille du garage d'à côté (entre Milan et Elyria, Ohio, 26 juillet).

Il y a d'autres parcours cyclables réputés, qui mériteraient une autre visite, notamment, semble-t-il, dans le Parc national Cuyahoga, au sud de Cleveland.

Mais pour cette fois-ci, donc, Cleveland. Agglomération urbaine de 3 millions d'habitants, sur le lac Erié, centre culturel elle aussi, ancienne ville industrielle. Où on n'est plus qu'à 900 km de Montréal.
Vous savez que vous êtes dans une ville moderne quand... (voir le 3e panneau)
Ci-haut, le Centre des sciences de Cleveland. Ci-bas, le Rock and Roll Hall of Fame. (27 juillet 2010)

Si vous voulez quitter par la ville, ce n'est pas le choix qui manque: il y a une autre cinquantaine de kilomètres de banlieues vers l'Est (jusqu'à Painesville). Si vous voulez longer le lac Erié, il y a presque toujours une LakeShore Road, comme à Montréal, qui devient, en zone rurale, le chemin le plus direct à part l'autoroute.
Le lac Erié, vu du bord de la route 531 (Lake Road W), entre Geneva et Ashtabula, Ohio, 27 juillet.

Et reste après ça une dernière leçon de géographie: une soixantaine de kilomètres après avoir laissé la banlieue de Cleveland, on quitte l'Ohio pour entrer dans quel État? La Pennsylvanie. On n'y sera pas longtemps, ce n'est qu'une excroissance qui s'étire jusqu'au lac Erié, mais juste assez pour sentir une nouvelle façon d'accueillir et de guider les cyclistes... presque jusqu'à Montréal. Suite et fin dans le prochain (et avant-dernier) billet.
Route 20, vers l'Est, à 800 km de Montréal.

lundi 2 août 2010

Et mes crédits-carbone, je les ramasse où?


Dans l'esprit de ce titre, permettez-moi de citer une fois encore Claire Morissette qui, dans son apologie du vélo Deux roues, un avenir, disait en 1992 :
L'industrie automobile engloutit une quantité ahurissante de ressources: 10% de la production mondiale d'aluminium, 20% de l'acier, 35% du zinc, 60% du caoutchouc et 7% du cuivre. Une auto neuve arrivant sur le marché a déjà consommé 20% de toute l'énergie qu'elle requerra jusqu'à sa disparition.

(...) Globalement, les véhicules à moteur accaparent le tiers des ressources pétrolières mondiales. Au Canada, les trois cinquièmes du pétrole consommé par le secteur transport sont destinés aux autos et aux camions légers... La dépendance envers le pétrole crée une vulnérabilité qui devient flagrante en cas de crise. Lorsqu'elles n'entraînent pas directement des guerres, les importations massives de pétrole affaiblissent les économies les plus fortes et écrasent encore plus les pays du tiers-monde, déjà fortement endettés.

Pour aller de Montréal à San Diego, j’ai pris l’avion le 23 juin, ce qui est indubitablement une grosse dépense en gaz à effet de serre.

En revanche, en revenant sur deux roues, j’ai peut-être compensé? Qui sait, je suis peut-être à présent, non pas carbone-neutre, mais « carbone-négatif »...

Bien des groupes environnementaux ont développé bien des méthodes de calculs complexes pour à peu près tout, depuis les crédits-carbone des alumineries jusqu’à ceux des automobilistes. Je me demande si quelqu’un a déjà pensé à ceux des cyclistes qui traversent le continent... :-)

Qu'est-ce qu'il transporte, dans ces sacoches?

C'est une question qui m'a été posée aux deux extrêmes: par des gens qui me plaignent de devoir traîner tout ce poids dans ces deux sacoches qui semblent bien gonflées, et par les deux cyclistes qui traversaient eux aussi les États-Unis et s'étonnaient de me voir pourtant transporter cinq ou six fois moins de bagages qu'eux.

Que faut-il transporter pour cinq semaines? Etonnamment, la même chose que pour une semaine. Du linge, mais pas trop —des buanderies, c'est facile à trouver— un ordinateur (et encore, je vois venir le moment où le téléphone suffira), et quelques trucs indispensables dans la catégorie "divers" (et n'oubliez pas que, dans mon cas, je ne dors pas sous la tente, ce qui simplifie le problème). En gros, ça donne ceci:

- une poignée de t-shirts, le linge de corps, un gilet chaud, un pantalon long;
- un ordinateur, et voilà déjà la sacoche rouge remplie;

- un glacière qui n'en est pas vraiment une (pas apporté d'ice pack, il n'aurait pas survécu longtemps à 40 degrés dans le désert) mais qui permettait de garder un peu plus longtemps au frais le jus, les raisins ou les muffins achetés pour la route; de plus, la "glacière" s'est révélée utile pour garder à portée de la main tout ce que je ne voulais pas avoir à chercher: le feu clignotant rouge quand tombe l'obscurité, la clef du cadenas...
- un cadenas justement, mais jamais utilisé dans les petites villes;
- le matériel de toilette;
- une pompe à vélo (la plus compacte);
- un ou deux livres, dépendamment du temps libre prévu;
- les outils: palettes pour soulever le pneu en cas de crevaison, "patch" pour réparer une chambre à air, un fragment de chaîne à vélo au cas où celle-ci casserait (jamais eu à m'en servir en cinq ans), clefs Allen pour tout le reste; et n'oubliez pas que dans toute grande ville, il y a des magasins de vélo;
- deux chambres à air de rechange, et je suis également parti avec un pneu de rechange, sachant que l'un des deux miens était plus vieux. Le sac blanc sur le porte-bagage (la photo a été prise à mi-parcours) cache justement ce pneu usagé, que j'avais changé pour le neuf, en Arizona, après deux crevaisons d'affilée, mais que j'ai ensuite gardé en réserve, juste au cas...


La sacoche rouge est censée être parfaitement étanche et l'ordinateur est en plus à l'intérieur d'une sacoche plus petite, conçue pour les canoteurs. Je peux témoigner que même après une pluie diluvienne, le contenu était parfaitement au sec.

La sacoche noire, elle, est partiellement imperméable. Sous le déluge, elle atteint ses limites: d'où l'importance d'y ranger ce qui peut souffrir d'être mouillé.

Voilà. Est-ce que j'ai oublié quelque chose?